Extrait des documents manuscrits de Pierre Albessard
"Mon Temps de Marine de Guerre"
"Dans la nuit du 4 au 5 février, 686 tonnes de la cargaison du "Whitehead" ont été débarquées sur le quai d'Antivari..."
"Au cours de la nuit et à des intervalles plus réguliers à partir du levé de la lune, des appareils aériens ennemis sont, à plusieurs reprises, venus troubler nos opérations par le lancement de projectiles..."
"Dès la première attaque, le Wharf avait été déserté par la majeure partie des travailleurs du pays qui devaient coopérer au déchargement..."
"Les attaques ont eu lieu au nombre de cinq."
"Vers 6 heures, vingt minutes environ après que l'amarrage du navire eût été terminé, un appareil aérien vint survoler le groupe "Tijditt-Whitehead". Occupé à ce moment à faire débarquer un camion de 2 tonnes, placé sur le panneau de la cale N°3, je ne l'avais pas entendu arriver. Aussi grand fut mon étonnement de voir tout d'un coup mon camion s'affaler avec fracas sur le quai, d'une hauteur d'environ 1m 50; au même instant, une trombe humaine et Monténégrine dévalait le Wharf avec une rapidité, pour laquelle on ne pourrait que concevoir de l'admiration, s'il était donné d'en être spectateur en d'autres circonstances. En moins d'une minute, il ne reste plus autour de moi, que des marins français. Des habitants du pays, il ne restait d'autres traces que des fers, des captra, des peaux de mouton, dont les propriétaires s'étaient allégés..."
"Une troisième attaque, tout à fait intéressante par l'habileté avec laquelle celui qui la tentait a su encadrer le Whitehead, a interrompu nos opérations vers minuit 15 minutes.
Profitant de la magnifique clarté que répandait la lune, l'aviateur a dû se placer sur l'alignement Tijditt-Whitehead et le parcourir du NE au SE.
La première bombe tombe à 10 mètres environ du Whitehead entre lui et le Yatch royal. Puis l'appareil vira, reprit l'alignement en sens inverse et lança à moins de 2 secondes d'intervalle trois projectiles dont les points de chute se trouvèrent presque exactement dans l'axe du navire.
La première explosion eut lieu sur la colline, la seconde près de la station, la troisième entre elle et le couronnement du navire, donc à une trentaine de mètres environ de l'arrière.
Javoue avoir ressenti à cet instant une très forte impression que traduisent parfaitement ces paroles d'un petit matelot mécanicien du Diderot, Baret, qui je ne sais comment se trouvait à coté de moi sur le pont "cette fois-ci, on y est!"
Il est certain qu'un quatrième projectile eût été fort bien placé; il ne fut pas lancé!..."
"Un dernier appareil vient visiter la rade d'Antivari vers 3 heures; deux bombes lancées sans précision, sont tombées loin de nous dans l'eau. L'explosion produisant des gerbes d'eau de 15 à 20 mètres et une très grosse fumée noire..."
"En vous adressant le compte rendu des évènements survenus durant les opérations du "Whitehead", je suis heureux, Amiral, de pouvoir vous rendre témoignage du calme courageux déployé par les officiers mariniers et les marins embarqués pour la durée de la mission.
Ces hommes avaient été détachés des trois cuirassés Diderot, Vergniaud, Danton. L'équipe du Diderot, comme dans la précédente expédition du "Tijditt", a fourni un travail supérieur à celui des deux autres.
En conséquence, je vous prie, Amiral, de me permettre d'attirer votre bienveillante attention sur les gradés de ce détachement.
Je crois devoir vous signaler avec quel dévouement le Maître-fusilier Paillard, les Quartiers-maîtres Samson et Collet, tous du Diderot, ont employé leurs qualités de commandement et d'entraîneurs d'hommes.
Je porte également à votre connaissance, toute la satisfaction que j'ai retirée du concours du Second-maître Osmont du Vergniaud."
signé: Pierre Albessard
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